C’est du moins le message qui se dégage de la première grande conférence de physique de l’été qui s’est terminé hier à Grenoble en France. Malgré un rapport après l’autre venant des différentes grandes expériences en cours repoussant encore plus loin l’échéancier pour l’observation de nouveaux et excitants phénomènes de physique, il y a de quoi commencer à s’inquiéter. Mais le professeur Guido Altarelli, un des théoriciens les plus en vue du CERN demeure des plus optimistes: “Il est beaucoup trop tôt pour désespérer!” a t-il affirmé sans hésiter.
A part les anomalies rapportées par ATLAS et CMS la semaine dernière qui seront peut-être les premiers signes du boson de Higgs, aucune autre découverte spectaculaire n’était au rendez-vous. Pas une seule particule supersymmétrique ou de matière noire à se mettre sous la dent! Au contraire, la première moisson de résultats du LHC limite encore plus la marge de manoeuvre pour tout phénomène de nouvelle physique.
Cette annonce d’une attente prolongée use peu à peu les nerfs des physiciens et physiciennes des particules. Pas facile de faire preuve de patience surtout lorsqu’on a en main les plus puissants outils (accélérateur et détecteurs) jamais construits, et qu’on espérait beaucoup de ce premier coup d’oeil sur les récentes données. Malgré la quantité phénoménale de données disponible, lorsqu’on cherche des phénomènes qui se produisent une fois par trillions d’évènements, et même plus, ce n’est pas si surprenant. Mais comme nous l’a rappelé le professeur David Gross, prix Nobel de physique et théoricien réputé: “Nous n’avons vu qu’un seul femtobarn inverse de données, 2999 autres restent à venir!”
Déjà, ces premières données ont permis un débroussaillage impressionnant. En à peine un an d’opération, le LHC surpasse déjà la plupart des résultats obtenus avec le Tevatron.
Certaines personnes comme le professeur Altarelli ont le don de tout remettre dans le bon contexte et lui aussi à rappelé à son audience que nous n’en étions encore qu’au tout début. Et si la tendance se maintient, d’ici fin 2012, on aura le dernier mot sur le boson de Higgs: ou on l’aura trouvé, ou rayé de la carte définitivement. Scénario semblable pour la supersymmétrie. D’ci là, on aura amplement le temps d’explorer tous les coins et racoins où elle pourrait encore se dissimuler.
J’ai eu la chance cet été de participer à un atelier de travail composé entièrement de théoriciennes et théoriciens. Étant la seule expérimentatrice, j’ai pu constater ce qui les occupe ces jours-ci. Personne ne se tournait les pouces en attendant nos résultats! Au contraire, plusieurs d’entres eux avaient déjà de nouveaux modèles prêts à être testé pour expliquer pourquoi la supersymmétrie n’avait pas encore été découverte comme plusieurs l’avaient prévu.
Pas facile d’être patiente surtout quand on attend ces découvertes depuis si longtemps. Le Directeur Général du CERN, le Prof. Rolf Heuer quant à lui est formel: que l’on trouve le Higgs ou pas, ce sera une grande découverte car cela nous mettra sur la bonne voie.
Le professeur Altarelli est confiant: quelque chose va se produire. Toutes nos connaissances théoriques actuelles indiquent qu’on doit soit trouver le Higgs bientôt (et il semble déjà pointer le bout du nez!), soit pas, peu importe. Des phénomènes associés à une nouvelle physique, une physique qui dépasse notre cadre théorique actuel, vont se manifester d’ici peu. C’est essentiel car plusieurs phénomènes comme l’existence de la matière noire ne peuvent être expliqués autrement.
Les gens de la théorie ont leurs propres soucis. Comme le professeur John Illiopoulos l’a exprimé: au rythme où vont les choses avec le LHC, il nous reste à peine quelques mois pour postuler de nouvelles théories!
Et en ce qui concerne la traque pour le boson de Higgs, le Dr Bill Murray n’a pas pu en dire beaucoup plus sur les premiers signes du Higgs boson. Sans plus de données et sans la combinaison complète des résultats actuels, la situation demeure ambigüe. Dans les deux cas, il faut patienter encore un peu, même si les signes précurseurs sont encourageants. A mon avis, on vient d’apercevoir une petite tache tout au bout de l’horizon. D’ici peu, on saura si c’est une caravane qui progresse dans notre direction ou si nous avons tous du sable dans les yeux…
Pour l’instant, si on a bel et bien affaire à un Higgs dans les 144 GeV, il se comporte exactement comme prévu. Espérons qu’on en apprendra plus à la prochaine conférence qui se tiendra fin aout à Bombay en Inde.
Pauline Gagnon
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