C’est ce que nous avait affirmé mon professeur de relativité à la fin d’une longue et aride leçon! Et les rumeurs allaient certainement bon train cette semaine au CERN sur l’imminence de l’annonce de l’observation de particules voyageant plus vite que la lumière. Cette nouvelle était tout aussi excitante qu’inattendue! Qui aurait pu prédire un truc aussi étrange et surprenant? Ce serait la découverte la plus ahurissante des dernières décennies. Difficile d’en imaginer les conséquences et implications mais il faudra d’abord l’établir avec certitude.
Je me souviens encore du frisson qui m’avait parcouru quand, adolescente, j’avais entendu parlé des tachyons, des particules hautement hypothétiques possédant l’étrange propriété de voyager plus vite que la vitesse de la lumière, défiant un des fondements de la théorie de la relativité. Ces particules, au repos, se déplaceraient à la vitesse de la lumière et perdraient de la masse (et donc de l’énergie) lorsqu’on les accélère… Le même frisson m’est revenu lorsque j’ai entendu parler de ce résultat. Voici donc de quoi il en retourne.
L’expérience OPERA se trouve dans un laboratoire souterrain localisé dans un tunnel sous la montagne du Gran Sasso au centre de l’Italie, à 730 km du CERN. Des neutrinos produits au CERN traversent la couche terrestre pour aboutir au détecteur OPERA. C’est ce qui est à la fois incroyable et déplorable avec les neutrinos: ils peuvent traverser des quantités de matière phénoménales sans être affectés, ce qui rend aussi leur détection bien difficile.
OPERA a été construit principalement pour tenter de détecter l’apparition de neutrinos tau à partir d’un faisceau de neutrinos de muon, un phénomène appelé «oscillations» de neutrinos. Cela permet à des neutrinos d’un type donné de se muter en neutrinos d’un autre type lorsqu’ils voyagent sur une longue distance. Cela n’avait jamais été observé auparavant entre neutrinos de muons et taus mais OPERA en a capté un l’an dernier. Pour ce faire, il faut associer l’apparition d’un neutrino tau dans le détecteur avec l’arrivée de neutrinos de muons envoyés depuis le CERN. Bien évidemment, cela requiert une parfaite synchronisation, d’où la nécessité de bien vérifier le temps d’arrivée des neutrinos de smuons au Gran Sasso.
Et là, surprise. Les neutrinos auraient atteint le Gran Sasso 60 nanosecondes (i.e. 60 milliardièmes de seconde) plus vite que ne l’aurait fait la lumière alors qu’ils devraient normalement voyager juste un peu en dessous de la vitesse de la lumière.
CERN et OPERA se sont récemment rééquipé avec la fine pointe de la technologie pour obtenir une synchronisation d’une précision d’une nanoseconde entre leurs horloges. Leur équipement fut calibré par l’Institut Suisse de Métrologie, et vérifié indépendamment par son équivalent allemand, le Physikalisch-Technische Bundesanstalt.
La distance entre le point d’émission au CERN et le point de détection au Gran Sasso a été établie par des géomètres du CERN à 731278.0 ± 0.2 mètres, soit 20 cm d’erreur sur 731 km!
L’imprécision totale, en tenant compte de toutes les sources, s’élève à moins de dix nanomètres, soit six fois moins que les 60 nanosecondes d’avance mesurées pour les neutrinos. C’est donc un résultat solide si et seulement si tout a bien été pris en compte.
Après de longs mois passés à tout vérifier, la collaboration OPERA a présenté ses résultats en public au CERN cet après-midi devant une salle bondée en espérant maintenant que d’autres équipes tenteront de reproduire ce résultat et en invitant la communauté scientifique à passer tout ça au peigne fin. Une mesure indépendante pourrait réfuter ou valider leurs résultats. Tout est possible: il pourrait s’agir d’une erreur expérimentale, d’un problème de calibration, d’une technique biaisée. Rien ne doit être négligé.
Et si cela s’avère véridique, il restera encore beaucoup de travail pour déterminer quel cadre théorique peut expliquer ce phénomène et son implication sur la théorie de la relativité. Reste à voir si ces neutrinos voyagent vraiment plus vite que la lumière ou si on a affaire à de petits tricheurs (des snoros de neutrinos) qui se seraient taillé un raccourci en passant par une autre dimension…
Pauline Gagnon
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