Ce matin à 00:37, le Grand Collisionneur de Hadrons (LHC) du CERN a mis en collision deux faisceaux stables de protons d’une énergie de 4 TeV. Une première pour l’année après la fermeture annuelle et un record en énergie – les faisceaux étaient à 3.5 TeV l’an dernier. Ceci vient couronner des semaines de préparation par les équipes du LHC. Du côté des expériences, on a aussi travaillé fort pour compléter toutes les interventions sur les détecteurs et tester de nouveaux logiciels. Tout le monde attendait donc cet important événement avec beaucoup d’anticipation.
Ma propre préparation en vue de mon premier quart de travail dans la salle de contrôle d’ATLAS cette année me rappelait les premiers jours d’école quand j’étais petite. Mes vêtements étaient déjà sortis, mon petit déjeuner préparé et assez de provisions d’emballées pour soutenir un siège. Il n’était pas question d’arriver en retard pour ce quart de travail à 7:00 hier matin alors qu’on espérait y observer les premières véritables collisions de l’année.
L’ambiance autour de la salle de contrôle d’ATLAS était particulière cette semaine avec tout et tout le monde fin prêt et en attente de cet événement. Alors, au moindre souci, une horde d’expertes et experts accouraient, déterminés à régler tous les problèmes avant que l’équipe du LHC annonce la fin des tests et mesures préliminaires, et qu’enfin, le prochain tour serait le bon.
Toute l’équipe du matin, une dizaine de personnes en tout, espérait être aux commandes pour cette importante étape.
Mais dès notre arrivée à 7:00 hier matin, le LHC fut retardé par un petit souci, bien que vite réglé. Puis il restait une dernière mesure à compléter, mais les faisceaux furent perdus avant d’y parvenir. Il a fallu repartir à zéro. Pendant des heures, nous sommes donc restés à espérer voir ces premières collisions.
Une partie de l’équipe de jour dans la salle de contrôle d’ATLAS le 4 avril attendant les premiers faisceaux stables, le véritable début de l’accumulation de données pour 2012. (Photo: Claudia Marcelloni de Oliveira)
Il y avait peu à faire sauf attendre. Notre quart de travail fut ponctué des habituelles successions de périodes tranquilles suivies par des moments d’activité fébrile quand un système se plante, une alarme apparaît ou la réunion quotidienne de coordination se termine.
Ces meetings se tiennent sept jours par semaine juste au-dessus de la salle de contrôle. Tous les expertes et coordonateurs des différents systèmes, la gérante d’opération (la personne sur appel 24 heures sur 24 pendant une semaine qui assiste le ou la chef d’équipe de la salle de contrôle) et les coordonnateurs d’opération, en tout une quarantaine de personnes y assistent et discutent des problèmes courants, du plan d’action de la journée en accord avec les projets du LHC, les interventions nécessaires sur le détecteur ou les tests spéciaux à effectuer.
Donc tous les jours après ce meeting, des dizaines d’experts passent donner leurs instructions à l’équipe de garde ou procèdent à une vérification ou un test, transformant la salle de contrôle en une ruche bourdonnante. Il existe toute une sous-communauté dans la collaboration de gens qui gravitent en permanence autour de cette salle de contrôle et en assurent un fonctionnement sans failles. Les autres viennent à tour de rôle assumer leur part des quarts de travail, jour et nuit, weekends et congés compris.
Lorsque les experts envahissent la salle de contrôle, notre rôle devient secondaire. La plupart sont des jeunes, étudiants et postdocs, dont une bonne moitié de femmes, reflétant bien le rôle crucial jouer par les jeunes dans la collaboration. Plusieurs avaient déjà les traits tirés, suite aux nombreux appels reçus jour et nuit pour tout régler avant la reprise.
Sortir un détecteur comme ATLAS de son hibernation n’est pas une mince affaire et il y a toujours quelque chose qui cloche. Pas étonnant avec ses 7000 tonnes de technologie délicate et complexe, 4000 km de câbles divers pour la haute et basse tension et autant de tuyaux de toutes sortes qui acheminent des fluides variés vers les nombreux sous-systèmes et en ramènent les données.
Tout cela explique en partie pourquoi on retrouve maintenant près de 4000 chercheurs et chercheuses sur chacune des expériences CMS et ATLAS, les deux grandes expériences du LHC. ALICE compte plus de mille personnes et LHCb environ 1500.
L’autre raison? L’attrait irrésistible des possibilités de découvertes offertes par le LHC.. Bien que personne ne sache encore ce que l’on y découvrira, 2012 s’annonce prometteur non seulement pour clore enfin le chapitre de la quête du boson de Higgs mais aussi pour tester de nombreuses nouvelles théories.
Pauline Gagnon
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