Depuis la découverte en juillet dernier de ce qui pourrait être le boson de Higgs, les physiciennes et physiciens des expériences CMS et ATLAS essaient de trouver sa véritable identité. Est-ce vraiment le boson de Higgs prédit par le modèle standard de la physique des particules ou une autre type de boson de Higgs relié à une théorie différente ?
Pour en avoir le cœur net, nous devons vérifier toutes ses propriétés, par exemple comment et dans quelles proportions il se désintègre. On doit aussi établir son spin et sa parité, deux propriétés des particules fondamentales.
Le nouveau boson a une courte durée de vie, il se désintègre tout de suite après avoir été créé. Il peut alors se briser de cinq façons différentes observables au Grand Collisionneur de Hadrons (LHC): en produisant deux photons, deux bosons Z ou W, deux quarks b ou encore deux leptons taus (une particule semblable à l’électron mais 3500 fois plus lourd). Il nous faut établir si chaque mode de désintégration existe et s’il se produit au taux prévu.
L’été dernier, lors de l’annonce de sa découverte, les deux expériences n’avaient des résultats clairs que pour les trois premiers modes. L’échantillon de données était alors trop petit pour voir des désintégrations en une paire de quarks b ou de taus.
Avec maintenant plus de données, les deux expériences ont pu montrer des résultats dans tous les canaux à une conférence aujourd’hui à Kyoto comme on peut le voir sur les graphes ci-dessous. La figure de gauche montre les résultats de CMS et celle de droite, ceux d’ATLAS.
Les valeurs de “σ ⁄ σSM” et “μ” sont équivalentes et représentent le rapport entre ce qui est observé et ce que le modèle standard prévoit. Une valeur de 1 signifie que tout concorde avec la théorie, et zéro implique que ce canal de désintégration n’est pas observé. Toute autre valeur implique que l’on voit ce canal mais qu’il se produit à un taux différent de celui auquel on s’attendait. Il faut bien sûr tenir compte des marges d’erreur avant de tirer une quelconque conclusion.
Les deux expériences ont maintenant des résultats pour les canaux de désintégrations en paires de quarks b ou en taus et les marges d’erreurs sont réduites pour plusieurs canaux. Pour l’instant, CMS obtient une valeur combinée de 0.88 ± 0.21 tandis qu’ATLAS mesure 1.3 ± 0.3. Les deux mesures sont donc compatibles avec 1.
La présence de ces cinq canaux serait compatible avec un boson de spin 0. Si en plus les taux de désintégration correspondent, ce nouveau boson aurait de plus en plus l’air du boson de Higgs mais ce ne serait toujours pas suffisant. Il faudra aussi qu’il soit de parité positive, comme le prédit le modèle standard.
Le spin d’une particule fondamentale réfère à sa rotation sur elle-même. La parité est reliée à ce qui arrive quand on inverse une direction dans l’espace. Voit-on la même chose lorsqu’on l’observe directement ou à travers un miroir quand la droite et la gauche sont inversées? Les particules possédant une parité positive agissent de la même façon qu’on les regarde directement ou dans un miroir.
On peut déterminer la parité d’une particule en observant la direction prise par ses débris quand elle se désintègre. Dépendamment de sa parité, ils s’éloigneront de préférence dans une direction plutôt qu’une autre. Par exemple, CMS a mesuré les angles entre les quatre électrons ou muons produits quand un boson se désintègre d’abord en deux bosons Z, eux-mêmes donnant une paire d’électrons ou de muons. Puis ils-elles ont comparé les distributions avec deux standards : l’un établi pour une parité négative, l’autre positive comme on le voit sur la figure ci-dessous.
La courbe de gauche en bleu montre la probabilité que l’on mesurerait pour un point en particulier pour une particule de parité positive alors que celle de droite en rose donne cette probabilité pour une parité positive. La valeur mesurée par CMS, indiquée par la flèche verte, indique clairement que le nouveau boson a plus certainement une parité positive telle que prescrite par le modèle standard.
CMS a aussi commencé à chercher d’autres bosons au-delà de la limite de 600 GeV exclue jusqu’à maintenant. Si de nouveaux bosons apparaissent, cela pourrait signifier que celui qui a été trouvé n’est qu’un des cinq bosons prévus par la supersymmétrie, une autre théorie, et non pas l’unique boson de Higgs du modèle standard.
Alors, où en est-on? Avec plus du double de données utilisées en juillet, les scientifiques sont passé-e-s de la quête d’un boson élusif aux premières mesures de ses propriétés. Lorsqu’on aura établi sans équivoque tous les canaux de désintégration, leur taux, le spin et la parité de cette particule, on en saura plus sur son identité.
Pour l’instant, bien qu’il soit encore trop tôt pour se prononcer, ce boson semble avoir de plus en plus l’air et la chanson du boson de Higgs. On en saura encore un peu plus en mars prochain quand toutes les données auront été analysées et améliorées. Mais cela pourra prendre du temps avant qu’il ait dit son dernier mot.
Pauline Gagnon
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