Le Grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN a cessé d’opérer au printemps pour entreprendre un programme de consolidation majeure, mais la quête pour une « nouvelle physique » se poursuit. Les physicien-ne-s profitent de cette pause pour finaliser toutes leurs analyses avec l’ensemble des données recueillies jusqu’à présent.
Des dizaines de nouveaux résultats ont déjà été présentés par les quatre expériences du LHC lors de diverses conférences depuis la fin des opérations. Bien qu’une poignée seulement de ces résultats ait fait les manchettes, l’information nouvellement disponible permet aux théoricien-ne-s d’affiner leurs modèles.
Même avec la découverte d’un boson de Higgs, les physicien-ne-s savent bien que le Modèle Standard de la physique des particules ne peut pas être la réponse finale car il comporte plusieurs lacunes. Par exemple, il ne fournit aucune explication sur la nature de la matière sombre ou pourquoi les masses des particules fondamentales comme celles des électrons et des muons diffèrent autant.
Une autre théorie appelée supersymétrie (SUSY pour les intimes) offre la possibilité d’étendre le Modèle standard. C’est l’alternative la plus populaire mais encore faut-il arriver à prouver son existence en trouvant les nouvelles particules qu’elle prédit.
La difficulté majeure pour tester cette théorie vient du fait qu’elle introduit de nombreux paramètres. Pour trouver les
nouvelles particules supersymétriques qu’elle prédit, il faut donc explorer un vaste territoire à 105 dimensions, correspondant aux 105 paramètres libres. Trouver ces particules est comme essayer de repérer un visage inconnu dans une foule de millions de personnes.
Heureusement, les théoricien-ne-s tentent d’orienter les expérimentateurs et expérimentatrices en réduisant cet espace autant que possible à l’aide de considérations théoriques et expérimentales. Un modèle qui a gagné en popularité ces derniers temps est appelé le modèle phénoménologique supersymétrique minimal ou pMSSM. Il utilise seulement 19 paramètres.
Ce modèle incorpore l’information provenant de tous les aspects de la physique des particules. Il intègre les contraintes obtenues à partir des mesures des caractéristiques des bosons Z et bosons de Higgs, de la physique du quark b, de l’astrophysique, ainsi que les recherches directes de matière sombre venant des installations sous-terraines et de particules supersymétriques au LHC.
Plusieurs groupes comprenant des théoricien-ne-s et des expérimentateurs et expérimentatrices ont combiné tous ces résultats récents et passés pour déterminer quelles zones de l’espace des paramètres réduit mais toujours considérable du modèle de pMSSM sont toujours permis.
Ils et elles génèrent d’abord des millions de valeurs possibles correspondant aux valeurs de masses et couplages des particules supersymétriques hypothétiques. Les couplages sont en gros des quantités reliées à la probabilité de produire ces particules au LHC.
Ensuite, ils et elles imposent les diverses contraintes obtenues à partir des nombreuses quantités mesurées par les expériences passées et actuelles pour voir quels points parmi toutes ces possibilités demeurent encore autorisés.
Deux théoriciens, Alex Arbey et Nazila Mahmoudi, et un expérimentateur, Marco Battaglia, contrairement à leurs travaux antérieurs, ont inclus dans leur dernière analyse les résultats positifs rapportés par quatre expériences de recherche directe de matière sombre en supposant qu’ils viennent bien de la matière sombre.
Alors que les tentatives d’autres groupes n’avaient pu trouver de scénarios de SUSY en accord avec les possibles signaux de matière sombre, leurs résultats sont plutôt surprenants: ils ont trouvé des scénarios suggérant la possibilité d’une particule supersymmétrique appelée neutralino qui serait très légère, avec une masse d’à peine 10 GeV, soit douze fois moins que le boson de Higgs. La seconde particule la plus légère serait la super-partenaire du quark b, appelée sbottom, avec une masse d’environ 20 GeV.
La gamme des masses prévues pour les différentes particules supersymétriques ressortant de cette étude. Le boson de Higgs découvert l’été dernier, h0, correspondrait au plus léger des cinq bosons de Higgs prédits par SUSY et la particule de SUSY la plus légère serait le neutralino χ0.
Si ce scénario est correct, comment une particule aussi légère aurait-elle pu échappé à la détection? La raison est simple: la plupart des recherches menées par les expériences CMS et ATLAS ont tenté jusqu’ici de détecter des événements contenant une grande quantité d’énergie manquante.
C’est le cas pour les événements où une particule supersymmetrique lourde et invisible à nos détecteurs s’échappe. De tels critères de sélection sont nécessaires afin de réduire la quantité écrasante de bruit de fond et isoler les rares événements contenant des particules supersymétriques. Mais des neutralinos légers n’emporteraient qu’une petite partie d’énergie et serait donc passée inaperçue.
Pendant que les théoricien-ne-s déterminent quelles régions de l’espace des paramètres sont encore autorisées, les expérimentateurs et expérimentatrices évaluent l’impact de leurs critères de sélection sur la détection des particules ayant les caractéristiques des régions restantes. De nouvelles stratégies sont actuellement recherchées pour explorer cette possibilité.
En opérant le LHC à plus haute énergie en 2015 et en produisant encore plus de données, on pourra obtenir des réponses définitives à ces questions. Ces efforts combinés ouvriront peut-être bientôt la voie à de nouvelles découvertes.
Pauline Gagnon
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Tags: nouvelles particules, supersymétrie, susy