Les 15 et 16 janvier derniers nous fêtions le 40ème anniversaire des accords bilatéraux de l’IN2P3 et du JINR de Dubna, l’occasion pour nous d’évoquer un épisode de cette longue collaboration.
Les physiciens savent se montrer pragmatiques lorsqu’ils font face à un problème inattendu, particulièrement en URSS dans les années 1970… Catherine Thibault, chercheuse au CSNSM d’Orsay (Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse), nous raconte un épisode de recherche qui le démontre brillamment !
En 1974, dans le cadre de l’étude de la fission nucléaire, une équipe du CSNSM dirigée par Robert Klapisch (le papa de Cédric oui !) voulait mesurer la production des différents isotopes de rubidium et césium produits lors de la fission de l’uranium 238 par des ions lourds. Les expériences eurent lieu à Dubna, au JINR, l’équivalent du Cern pour les pays de l’Est. Dans un premier temps, il a fallu acheminer tout le matériel, dont un ordinateur américain (PDP), ce qui nécessitait une autorisation d’exportation temporaire en URSS (pour seulement 8 ko de mémoire !), que nous avons pu obtenir.
La partie principale était un spectromètre de masse permettant de séparer en quelques centaines de millisecondes les différents isotopes de rubidium ou de césium produits par la fission d’une cible. Ceci permettait de mesurer leurs différents taux de production.
Bien que le spectromètre contenant la cible ait été positionné avec le plus grand soin, aucun signal n’était observé… jusqu’à ce qu’une cible de rechange placée quelques centimètres au-dessous de la cible-source ait été trouvée détruite par le faisceau ! Nous devions donc baisser le spectromètre de quelques centimètres ce qui posait un problème de taille puisque ce dernier était déjà réglé à son minimum de hauteur. « Qu’à cela ne tienne, ont alors dit les collaborateurs russes, nous allons abaisser le sol ! ». Chose dite, chose faite avec une remarquable efficacité… C’est au marteau piqueur que l’on a attaqué le sol de béton !
L’expérience a ensuite très bien fonctionné… Et les données obtenues analysées puis publiées, ont servi de base à une thèse. Qui a dit que les chercheurs étaient de doux rêveurs ?
— anecdote fournie par le Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse (CSNSM), unité mixte de recherche du CNRS/IN2P3 et de l’Université Paris Sud, dans le cadre des 40 ans du CNRS/IN2P3.