Voici la deuxième partie d’une série de trois sur la supersymétrie, la théorie qui pourrait aller au-delà du Modèle standard. J’ai expliqué dans un premier temps ce qu’est le Modèle standard et montré ses limites. Je présenterai ici la supersymétrie et expliquerai comment elle pourrait résoudre plusieurs lacunes du Modèle standard. Finalement, je passerai en revue comment les physicien-ne-s essaient de découvrir des « superparticules » au Grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN.
Les théoricien-ne-s doivent souvent attendre pendant des décennies pour voir leurs idées confirmées par des découvertes expérimentales. Ce fut le cas pour François Englert, Robert Brout et Peter Higgs dont la théorie, élaborée en 1964, ne fut confirmée qu’en 2012 avec la découverte du boson de Higgs par les expériences du Grand collisionneur de hadrons (LHC).
Aujourd’hui, beaucoup de théoricien-ne-s ayant participé à l’élaboration de ce que l’on connaît maintenant comme la supersymétrie, attendent de voir ce que le LHC révélera.
La supersymétrie est une théorie qui est d’abord apparue comme une symétrie mathématique dans la théorie des cordes au début des années 1970. Au fil du temps, plusieurs personnes y ont apporté de nouveaux éléments, pour finalement aboutir aujourd’hui avec la théorie la plus prometteuse pour aller au-delà du Modèle standard. Parmi les pionniers, il faut d’abord citer deux théoriciens russes, D. V. Volkov et V. P Akulov. Puis en 1973, Julius Wess et Bruno Zumino ont écrit le premier modèle supersymétrique à quatre dimensions, pavant la voie aux développements futurs. L’année suivante, Pierre Fayet a généralisé le mécanisme de Brout-Englert-Higgs à la supersymétrie et a introduit pour la première fois des superpartenaires pour les particules du Modèle standard.
Tout ce travail ne serait resté qu’un pur exercice mathématique si on n’avait remarqué que la supersymétrie pouvait résoudre certains problèmes fondamentaux du Modèle standard.
Comme nous avons vu, le Modèle standard contient deux types de particules fondamentales : les grains de matière, les fermions avec des valeurs de spin de ½, et les porteurs de force, les bosons avec des valeurs entières de spin.
Le simple fait que les bosons et les fermions n’aient pas les mêmes valeurs de spin les fait se comporter différemment. Chaque groupe obéit à des lois statistiques différentes. Par exemple, deux fermions identiques ne peuvent pas exister dans le même état quantique. Un de leurs nombres quantiques doit être différent. Ces nombres quantiques caractérisent diverses propriétés : leur position, leur charge, leur spin ou leur charge “de couleur” pour les quarks. Puisque tout le reste est identique, deux électrons sur une même orbite atomique doivent avoir deux orientations différentes de spin, une pointant vers le haut, l’autre vers le bas. Cela implique qu’au plus deux électrons peuvent cohabiter sur une même orbite atomique puisqu’il n’y a que deux orientations possibles pour leur spin. Les atomes ont donc plusieurs orbites atomiques pour accommoder tous leurs électrons.
Au contraire, il n’y a aucune restriction imposée au nombre de bosons autorisés à exister dans le même état. Cette propriété explique le phénomène de supraconductivité. Une paire d’électrons forme un boson puisque deux spins de une demie donnent un spin de 0 ou 1 suivant s’ils sont alignés ou non. Dans un supraconducteur, toutes les paires d’électrons peuvent être identiques, chaque paire possédant exactement les mêmes nombres quantiques, ceci étant permis pour les bosons. On peut donc échanger deux paires librement, comme pour du sable mouvant. Tous ses grains de sable sont de taille identique et peuvent changer de position librement, d’où son instabilité. De même, dans un supraconducteur, toutes les paires d’électrons peuvent changer de position, sans aucune friction et donc sans aucune résistance électrique.
La supersymétrie se fonde sur le Modèle standard et associe un « superpartenaire » à chaque particule fondamentale. Les fermions obtiennent des bosons comme superpartenaires et les bosons sont associés à des fermions. Ceci unifie les composantes fondamentales de la matière avec les porteurs de force. Tout devient plus harmonieux et plus symétrique.
La supersymétrie se fonde sur le Modèle standard et vient avec plusieurs nouvelles particules supersymétriques, représentées ici avec un tilde (~) au-dessus de leur symbole. (Diagramme tiré du film « Particle Fever » et reproduit avec la permission de Mark Levinson).
Mais il y a d’autres conséquences importantes. Le nombre de particules fondamentales double. La supersymétrie associe un superpartenaire à chaque particule du Modèle standard. De plus, plusieurs de ces partenaires peuvent se mélanger, donnant des états combinés comme les charginos et les neutralinos.
Les implications sont nombreuses. Première conséquence majeure : les deux superpartenaires du quark top, appelés stops, peuvent neutraliser la grande correction du quark top à la masse du boson de Higgs. Deuxième implication: la particule supersymétrique la plus légère (en général un des états mélangés sans charge électrique appelée neutralino) a justement les propriétés que la matière sombre devrait avoir.
Non seulement la supersymétrie réparerait plusieurs gros défauts du Modèle standard, mais elle résoudrait aussi le problème de la matière sombre. On ferait d’une pierre deux coups. Seul minuscule petit problème : si ces particules supersymétriques existent, pourquoi ne les a t’on pas encore trouvées? J’aborderai cette question dans la troisième et dernière partie de cette série.
Pauline Gagnon
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