Matthieu Roman est un jeune chercheur CNRS à Paris, tout à, fait novice sur la twittosphère. Il nous raconte comment il est en pourtant arrivé à twitter « en direct de son labo » pendant une semaine. Au programme : des échanges à bâton rompu à propos de l’expérience Planck, des supernovae ou l’énergie noire, avec un public passionné et assidu. Peut-être le début d’une vocation en médiation scientifique ?
Mais comment en suis-je arrivé là ? Tout a commencé pendant ma thèse de doctorat en cosmologie au Laboratoire Astroparticule et Cosmologie (APC, CNRS/Paris Diderot), sous la direction de Jacques Delabrouille, entre 2011et 2014. Cette thèse m’a amené à faire partie de la grande collaboration scientifique autour du satellite Planck, et en particulier de son instrument à hautes fréquences plus connu sous son acronyme anglais HFI. Je me suis intéressé au cours de ces trois années à l’étude pour la cosmologie des amas de galaxies détectés par Planck à l’aide de « l’effet Sunyaev-Zel’dovich » (interaction des photons du fond diffus cosmologique avec les électrons piégés au sein des amas de galaxies). En mars 2013, j’étais donc aux premières loges au moment de la livraison des données en température de Planck qui ont donné lieu à un emballement médiatique impressionnant. Les résultats démontraient la solidité du modèle cosmologique actuel composé de matière noire froide et d’énergie noire.
A-t-on découvert les ondes gravitationnelles primordiales ?
Puis quelques mois plus tard, les américains de l’expérience BICEP2, située au Pôle Sud, ont convoqué les médias du monde entier afin d’annoncer la découverte des ondes gravitationnelles primordiales grâce à leurs données polarisées. Ils venaient simplement nous apporter le Graal des cosmologistes ! Nouvelle excitation, experts en tous genres invités sur les plateaux télés, dans les journaux pour expliquer que l’on avait détecté ce qu’avait prédit Einstein un siècle plus tôt.
Mais dans la collaboration Planck, nombreux étaient les sceptiques. Nous n’avions pas encore les moyens de répondre à BICEP2 car les données polarisées n’étaient pas encore analysées, mais nous sentions qu’une partie importante du signal polarisé de la poussière galactique n’était pas pris en compte.

Les derniers résultats ont montré une carte de poussière galactique sur laquelle a été rajoutée la direction du champ magnétique galactique. Je lui trouve un aspect particulièrement artistique ! Crédits : ESA- collaboration Planck
De la poussière galactique aux explosions d’étoiles
Entre temps, j’ai eu l’opportunité de prolonger mon activité de recherche pendant trois années supplémentaires avec un post-doctorat au Laboratoire de physique nucléaire et des hautes énergies (CNRS, Université Pierre et Marie Curie et Université Paris Diderot) sur un sujet complètement nouveau à mes yeux : les supernovae, ces étoiles en fin de vie dont l’explosion est très lumineuse. On les étudie dans le but ultime de connaître précisément la nature de l’énergie noire, tenue responsable de l’expansion accélérée de l’Univers. Au temps de la preuve de l’existence de l’énergie noire obtenue à l’aide des supernovae (1999), on imaginait que leur courbe de lumière était assez peu variable. On a pris d’ailleurs l’habitude de les appeler « chandelles standard ».

Sur cette image de la galaxie M101 on peut voir distinctement une supernova qui a explosé en 2011 : c’est le gros point blanc en haut à droite. Celle-ci se situe dans l’un des bras spiraux, mais ne brillerait pas de la même façon si elle était au centre. Crédit T.A. Rector (University of Alaska Anchorage), H. Schweiker & S. Pakzad NOAO/AURA/NSF
Twitter en direct de mon labo…
En fait c’est une amie, Agnès, qui m’a fait découvrir Twitter et m’a encouragé à raconter mon travail au jour le jour et pendant une semaine via le compte @EnDirectDuLabo. Il s’agissait d’un monde nouveau pour moi, qui n’était pas du tout actif sur ce que l’on appelle « la twittosphère ». C’est malheureusement le cas pour de nombreux chercheurs en France. Expérience très enrichissante s’il en est, puisqu’elle semble susciter l’intérêt de nombreux twittos, et a permis de porter le nombre d’abonnés à plus de 2000. Cela m’a permis par exemple d’expliquer les bases de l’électromagnétisme nécessaires en astronomie, des détails plus techniques sur les performances de l’expérience dans laquelle je travaille ou encore ma vie au quotidien dans mon laboratoire.
Ce fut très amusant de livrer mon travail quotidien au grand public, mais aussi très chronophage ! J’ai toujours été convaincu par l’importance de la médiation scientifique, sans jamais oser me lancer. Il était peut-être temps…
Matthieu Roman est actuellement post-doctorant au Laboratoire de physique nucléaire et de hautes énergies (CNRS, Université Pierre et Marie Curie et Université Paris Diderot)
- À suivre sur Twitter : @EndirectduLabo et @IN2P3_CNRS
- En savoir plus sur Planck et les derniers résultats de l’expérience
- À voir : Planck livre une nouvelle carte de l’Univers, une vidéo de 6’35” réalisée par Véronique Kleiner et Nicolas Baker, produite par CNRS Images, avec Cécile Renault du laboratoire de physique subatomique et de cosmologie (LPSC) de Grenoble
- À consulter : la page de l’équipe Supernovae au LPNHE à Paris.