Je suis présentement à la Conférence Internationale de la Physique des Hautes Énergies à Melbourne et les deux dernières journées semblent avoir été une revue des innombrables tentatives infructueuses à briser le Modèle Standard de la physique des particules. Pourquoi tant d’acharnement de la part des physiciens et physiciennes? Ne pourrait-on pas simplement se reposer après avoir enfin trouvé ce qui pourrait bien être le boson de Higgs, le chainon manquant à une théorie si fructueuse?
Bien sûr, nous sommes encore tous fiers ce cet accomplissement mais aussi déjà impatients de passer à l’étape suivante: découvrir quelle théorie plus globale se cache derrière celle qu’on connaît. La moindre déviation dans les prédictions théoriques actuelles pourrait ouvrir la voie vers de nouvelles découvertes. Toutes les expériences scrutent donc ce modèle dans les moindres détails, à la recherche de la moindre faille.
L’expérience LHCb du Grand Collisionneur de Hadrons (LHC) au CERN a montré deux résultats fort intéressants aujourd’hui. Le premier diffère avec un résultat de D0, une expérience menée à Fermilab, où une déviation par rapport à la prédiction du modèle standard avait été rapportée. La mesure faite par LHCb est en accord avec la prédiction du modèle standard et ne peut donc confirmer le résultat de l’expérience D0.
Le second résultat de LHCb établi pour la première fois qu’il existe une petite asymétrie dans certaines désintégrations de mésons B. Les mésons B sont des particules composées d’un quark u et d’un antiquark b. LHCb a observé que ces mésons B se désintègrent plus souvent en un kaon et deux pions, ou en trois kaons, que leur contrepartie d’antimatière, les antimésons B.
De telles différences entre le comportement de la matière et de l’antimatière sont étudiées afin de comprendre pourquoi l’univers a apparemment évolué vers un monde fait entièrement de matière? C’est une des questions fondamentales que la collaboration LHCb cherche à élucider. Chaque petite asymétrie comme celle dévoilée aujourd’hui éclaire un peu la question. En laboratoire, comme dans les collisions produites par le LHC, on crée toujours matière et antimatière en quantités égales. On suppose donc qu’il en fut de même lors du Big Bang.
En parallèle, les expériences CMS et ATLAS qui opèrent elles aussi au LHC, ont montré un nombre impressionnant de résultats portant sur la recherche de nouveaux phénomènes allant au-delà du modèle standard, quelque chose qui révèlerait l’existence de ce que l’on appelle « la nouvelle physique ».
Les deux approches pourraient nous faire avancer d’un pas: soit en détectant directement de nouvelles particules non prédites par la théorie actuelle, soit en décelant une toute petite faille dans le modèle standard. Mais toutes les tentatives à ce jour ont échouées. Ce sera probablement comme pour le boson de Higgs: il nous faudra beaucoup de patience. Et comme disait ma mère: « Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage ». A force de raffiner nos recherches et en éliminant une à une toutes les fausses pistes, la persévérance nous mettra bien sur la bonne piste.
Pauline Gagnon
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